Victor Rogozyk et sa grand-mère Estera - déportés par convoi 68 du 10 février 1944 thumbnail

Témoignage: Maurice Zynszajn

Mes parents tenaient une épicerie au 54, Rue des Rosiers à Paris 4e, aujourd’hui devenu un restaurant « Chez Hanna ». Après avoir échappé à la rafle du Vel d’Hiv, ils décident de passer en zone libre. Nous étions sept à tenter de franchir la ligne de démarcation le 1er octobre 1942 : trois adultes et quatre enfants. Mon père, ma mère, ma tante (Sarah Rogozyk), son fils Victor (huit ans et demi), ma sœur Régine (huit ans et demi), mon frère Victor (quatre ans) et moi (deux ans et demi).

Arrivés à proximité de la ligne de démarcation, le passeur nous abandonne et nous tombons sur une patrouille allemande. Les trois adultes sont enfermés à la prison de Châlons-sur-Saône, puis à Drancy. Ma tante sera déportée par le convoi numéro 40, et mes parents par le convoi numéro 45. Les quatre enfants sont recueillis par la Croix-Rouge qui nous confie à l’UGIP, qui nous place dans un foyer au 9, Rue Guy Patin à Paris 10e.

Etant des enfants dits « bloqués », car fichés par les Allemands, nous étions déportables en priorité. Apprenant notre arrestation par son frère Marcel, un proche de mes parents, Henry Bulawko du Comité Amelot nous exfiltre vers la mi-novembre, avant la rafle de ce foyer le 10 février 1943, pour nous placer chez une nourrice à Noisy-Le-Grand. Nous y resterons deux ans, jusqu’à la mi-novembre 1944. Victor, le cousin, veut quitter la nourrice pour rejoindre ses parents, en dépit de l’opposition de ma sœur qui s’accroche à lui, pour l’empêcher de partir, en vain ! Marcel Bulawko vient le chercher pour rejoindre notre grand-mère, restée seule, Rue des Rosiers. Ils seront tous les deux déportés par le convoi numéro 68 du 10 février 1944. La WIZO nous recueille de chez la nounou, pour nous placer avec d’autres enfants, dans un pavillon à Montmorency.

Victor Rogozyk, cousin de Maurice Zynszajn et leur grand-mère Estera - déportés par le convoi numéro 68 du 10 février 1944
Victor Rogozyk, cousin de Maurice Zynszajn, et leur grand-mère Estera – tous deux déportés par le convoi numéro 68 du 10 février 1944

A l’automne 1946, nous intégrons une Maison d’Enfants, dépendant de la Rue Amelot à la Varenne St. Hilaire.  Nous y resterons jusqu’à sa fermeture en 1951, pour rejoindre l’OSE dans des maisons pratiquantes à Taverny et Versailles.

La Maison de Taverny, appelée aujourd’hui « Château de Vaucelles Elie Wiesel », accueille les enfants jusqu’à quatorze ans, puis dirigés à Versailles. Je rejoins Versailles, avec mon frère qui a quatorze ans. J’ai douze ans et demi, je suis le plus jeune. J’y fais ma Bar-Mitsvah.

David Perlmutter m’y prépare en me donnant des cours d’Hébreu, et Izio Rosenman rédige le discours que je dois prononcer. Elie Wiesel est présent à cette occasion. Tous les trois font partie des 426 enfants recueillis par l’OSE à la libération du camp de Buchenwald en avril 1945. 

Après Versailles, je suis interne à l’ORT de Strasbourg pour y apprendre, pendant trois ans, le métier de technicien en Electronique. Je termine, avant d’être indépendant, dans un foyer de jeunes à Neuilly, pendant un an. J’y retrouve des anciens des maisons de l’OSE, de la C.C.E et de l’OPEJ. Cette maison est dirigée par Elisabeth Hirsch, dite Böegi, qui a joué un rôle important dans le sauvetage des enfants avec sa sœur Shatta Simon et son mari Edouard, qui dirigeaient la Maison des enfants de Moissac pendant la guerre. Après avoir travaillé dans l’Industrie comme Technicien en Electronique, j’ai repris des études de Math à la Faculté d’Orsay, tout en donnant des cours une classe préparatoire au Conservatoire des Arts et Métiers. J’ai terminé ma carrière dans l’immobilier, d’abord comme négociateur, avant de me mettre à mon compte.


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